C’est une excellente analyse que signent Dominique Boullier, Mariannig Le Béchec et Maxime Crépel sur le site The Conversation, sous le titre: « Autour du livre, de nouvelles pratiques alimentent l’intelligence collective ».
Ils y soulignent la grande vitalité du livre papier et la multitude des réseaux qui se sont constitués autour de lui, y compris sur internet, en arrivant à une conclusion qui pourrait paraître paradoxale à un observateur non averti:
Le livre imprimé est de fait devenu numérique à travers l’usage des réseaux numériques qui facilitent sa circulation en tant qu’objet ou sous forme de conversations autour du livre. L’attention collective ainsi amplifiée constitue une œuvre collective permanente, bien loin de la publication frénétique des posts sur les réseaux sociaux. Car les lecteurs acceptent de vivre dans un temps plus long qu’ils ne confondent pas avec la haute fréquence des échanges sur les réseaux sociaux. La combinaison des deux rythmes peut cependant encourager la lecture à travers des alertes sur les publications sur les réseaux sociaux suivie d’une lecture plus longue.
Les réseaux qui se sont formés autour du livre constituent ainsi une ressource majeure d’attraction de l’attention, qui ne remplace pas encore les effets de la «saison des prix» pour orienter la lecture de masse mais qui mériterait que l’on s’y intéresse de plus près, notamment de la part des éditeurs qui disposent là de communautés très actives.
Il serait alors possible de penser le livre numérique comme pris dans cet écosystème relationnel, au lieu de le traiter seulement comme un clone (on parle alors de livre homothétique, reproduisant dans le fichier exactement le format et les propriétés du livre imprimé). Imaginons des livres multimédias mais surtout connectés et en prise constante avec la conversation qui tourne autour du livre : ce serait un autre produit, une valeur ajoutée qui pourrait justifier le prix que l’on demande actuellement pour de simples fichiers. Ce serait alors un «livre-accès» qui favoriserait d’emblée le «livre-échange» et qui aurait une chance d’attirer à lui de nouveaux publics et surtout d’amplifier toute cette créativité collective déjà présente autour des livres imprimés.
Si nous souscrivons avec enthousiasme à l’ensemble de l’article qui, une fois n’est pas coutume, analyse avec intelligence la complémentarité entre livres papier et numérique, nous ne sommes par contre pas persuadés que les ajouts que les auteurs suggèrent pour les ebooks compensent, aux yeux des lecteurs, le prix parfois exorbitant encore demandé pour ceux-ci par la plupart des éditeurs traditionnels francophones. Clairement, l’ebook doit être significativement moins cher que son équivalent papier, comme Amazon l’encourage d’ailleurs vivement.