Biographie
De son vrai nom Pierre Ryckmans, Simon Leys est un écrivain, sinologue, traducteur, essayiste et critique littéraire francophone belge, né à Bruxelles le 28 septembre 1935. Il écrivait aussi bien en français qu’en anglais.
Après des études de droit et d’histoire de l’art à l’Université Catholique de Louvain, il étudia la langue, la littérature et l’art chinois à Taiwan, Singapour et Hong Kong. Il habita un temps à Hong Kong, avant de s’établir en 1970 en Australie, où il enseigna la littérature chinoise à l’Australian National University à Canberra. Il y supervisa entre autres la thèse du futur premier ministre australien Kevin Rudd. Plus tard, entre 1987 et 1993, il fut professeur d’Etudes Chinoises à l’université de Sydney, après quoi il retourna à Canberra, où il vécut jusqu’à sa mort, le 11 août 2014.
En 1964, il épouse une Chinoise, Hanfang, avec qui il aura quatre enfants. Deux de ceux-ci, Marc et Louis, des jumeaux nés à Hong Kong en 1967, furent apatrides entre 2006 et 2013 à cause d’une erreur de l’administration belge.
C’est en 1971, sur recommandation de son éditeur, qu’il décida de prendre un pseudonyme pour la publication de son ouvrage Les habits neufs du président Mao, afin d’éviter tout risque de devenir persona non grata en Chine. Il choisit le nom de Leys en référence au personnage principal du roman René Leys de Victor Segalen, et le prénom de Simon, en référence au prénom initial de St Pierre. En 1975, une sinologue nommée Michelle Loi publia Pour Luxun. Réponse à Pierre Ryckmans (Simon Leys), révélant ainsi sa véritable identité. Dans une annexe intitulée L’oie et sa farce de son livre Images brisées, Leys lui répond, ainsi qu’à tous ceux qui voudraient qu’il ne puisse plus entrer en Chine:
« La seule idée qu’un individu comme Simon Leys puisse constamment souhaiter revoir la Chine, qu’il ait noué dans ce monde-là les liens les plus chers, ne leur paraît pas seulement incompréhensible, elle leur est proprement sacrilège. »
En historien professionnel, il s’attache surtout à démontrer la méconnaissance de Michelle Loi, dans l’ouvrage de celle-ci intitulé L’intelligence au pouvoir:
« Dans cet ouvrage au titre prédestiné, les perles se ramassent par boisseaux: ainsi Qin Shihuang y est défini comme l’Empereur Jaune: que diriez-vous d’une spécialiste d’histoire italienne qui prendrait Mussolini pour Romulus? L’écart chronologique est le même. »
De son côté, ses livres sur la révolution culturelle chinoise sont basés sur ses observations personnelles sur place. Il y décrit la destruction aussi bien politique que culturelle à cette époque, et y dénonce aussi l’hypocrisie des occidentaux qui prirent alors la défense de cette révolution. Il défend aussi avec passion la culture et l’art chinois traditionnels, entre autres dans Ombres chinoises en 1974, Images brisées en 1976 ou La Forêt en feu en 1983. Il n’y manie pas, loin de là, la langue de bois. Témoin cet extrait, parmi d’autres, d’Ombres chinoises:
« Il est à Pékin un monument contemporain qui, entre tous, symbolise dramatiquement le viol maoïste de l’antique capital: il s’agit du monument aux héros du Peuple. Cet obélisque, haut d’une quarantaine de mètres, dont la base est ornée d’une série de bas-reliefs en margarine, n’aurait par lui-même rien qui puisse particulièrement retenir l’attention, n’était-ce la position privilégiée qu’il occupe, exactement au milieu de la perspective qui relie Ch’ien men à T’ien-an men. Un éternuement si sonore soit-il, ne frappe guère l’attention dans la bruyante cohue d’une gare, mais il n’en va de même par contre si cette expectoration vient exploser dans le majestueux recueillement d’une salle de concert, au point le plus magique et ténu d’une phrase musicale; de même, la formidable signification que prend cette insignifiante bitte de granit, dérive tout entière de la stupidité sacrilège de son point d’insertion. En plaçant ce monument au centre de l’axe sublime qui monte de Ch’ien-men à T’ien-an men, l’idée de l’urbaniste était évidemment de détourner à son profit l’antique aménagement impérial de cet espace, de capter à son avantage le courant mystique qui, suivant le relai rythmé des Portes successives, s’achemine du monde extérieur vers la Cité Interdite, centre idéal de l’univers. L’urbaniste a seulement perdu de vue qu’en déposant son étron révolutionnaire-prolétarien au milieu de cette avenue sacrée, il détruisait très précisément la perspective dont il voulait le faire bénéficier. »
Il a aussi traduit certains auteurs majeurs de la littérature chinoise, tels que Confucius ou Shi Tao, dans Les propos sur la peinture du moine Citrouille-amère.
En 1983, Simon Leys est invité à la célèbre émission Apostrophes, de Bernard Pivot. Parmi les autres invités figure aussi Maria-Antonietta Macciocchi, pour son livre De la Chine. Simon Leys démontre dans cette émission la méconnaissance totale de son sujet par l’auteur. Bernard Pivot déclarera plus tard que ce fut le seul cas d’un livre dont les prévisions de vente chutèrent suite à son passage dans son émission.
En 1990, il reprend à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique le fauteuil précédemment occupé par Georges Simenon. Il est aussi membre des Ecrivains de Marine, association fondée en 2003 par Jean-François Deniau.
En 2001, son roman La mort de Napoléon fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Alan Taylor, dans un film intitulé The emperor’s new clothes. Leys n’apprécia pas ce film, allant jusqu’à écrire, dans une réédition ultérieure de son roman, que:
« Cet avatar était à la fois triste et amusant: triste, parce que Napoléon était interprété à la perfection par un acteur (Ian Holm) dont la performance m’a fait rêver à ce qui aurait pu être réalisé si le producteur et le réalisateur avaient pris la peine de lire le livre. »
Simon Leys apparaît dans Biographie de la faim, un des livres d’Amélie Nothomb:
« Il avait une barbe, ce que je croyais l’attribut du grand âge. Papa s’occupait de ses problèmes de visa. »
En 2012, Frédéric Beigbeder commence un article qu’il lui consacre, dans le Figaro, par cette question:
« Les meilleurs écrivains français sont-ils tous belges? Georges Simenon, Henri Michaux, Félicien Marceau, Weyergans, Pirotte, Toussaint, Nothomb-ça-dépend-des-années… Dans son dernier livre, le Belge Pierre Ryckmans, dit Simon Leys, nous donne le secret de la supériorité de la «belgitude»: «S’il est une chose dont le Belge est pénétré, c’est de son insignifiance. Cela, en revanche, lui donne une incomparable liberté – un salubre irrespect, une tranquille impertinence.» »
Simon Leys est décédé dans la nuit du 10 au 11 août 2014, à Sidney, d’un cancer.
Oeuvres
Le bonheur des petits poissons
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Depuis toujours Simon Leys a privilégié les textes courts, incisifs pour défendre ses idées, pour livrer ses observations sur notre monde. Il a composé ainsi ses célèbres essais politiques et visionnaires sur Mao et la Chine, des textes purement littéraires et des recueils à lire comme des promenades où voisinent sans logique apparente réflexions sur l’art et chroniques de notre temps, sur ses excentricités, ses paradoxes, ses idées fausses.
Le bonheur des petits poissons appartient à cette dernière catégorie. Des réflexions sur les rapports qu’entretiennent les écrivains avec la réalité, l’art de la litote, la critique, l’angoisse de la page blanche, l’argent s’entrecroisent avec une diatribe contre l’interdiction de fumer, une comparaison entre les livres qui doivent accompagner les expéditions polaires, le mal de mer de Conrad ou encore un paradoxal éloge de la paresse…
Avec cependant un extraordinaire point commun «des pages où la science et la clairvoyance se mêlent merveilleusement à l’indignation et à la satire» J.F Revel.
Le studio de l’inutilité
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Dans sa jeunesse, Simon Leys passa deux ans dans une cahute de Hong Kong en compagnie de trois amis, une période bénie où «l’étude et la vie ne formaient plus qu’une seule et même entreprise». C’est en souvenir de ce gîte régi par l’échange et l’émulation, surnommé «Le Studio de l’inutilité», qu’il a baptisé ce recueil consacré à ses domaines de prédilection: la littérature, la Chine et la mer. Il y éclaire la «belgitude» d’Henri
Michaux, dépeint la personnalité de George Orwell, analyse les rouages du génocide cambodgien, épingle les notes de Barthes visitant la Chine maoïste, débrouille les énigmes du «miracle chinois» à la lumière tragique des analyses de Liu Xiaobo, Prix Nobel de la Paix toujours emprisonné. Infligeant de salutaires accrocs à la pensée unique, Leys fait partager ses curiosités et ses admirations, ses enthousiasmes et ses indignations. Ce Studio est une ode au savoir «inutile» et à la quête désintéressée de la vérité.