Existe-t-il une littérature spécifiquement belge? Voilà bien une question délicate…
Dans la conclusion de son Histoire de la Littérature Belge d’expression française, publiée en 1909, Henri Liebrecht écrit:
« Placée donc à la frontière de deux civilisations, champ de bataille de l’Europe tant au point de vue des conflits politiques que des idées en marche, la Belgique sera l’expression moyenne de ces civilisations et de ces idées, dont elle fera la sélection grâce à la pondération du caractère belge.
La littérature de notre pays servira dès lors d’intermédiaire entre les littératures romanes et germaniques. Des Flamands, ayant l’esprit de leur race – témoins Verhaeren, Maeterlinck, Van Lerberghe – écriront en français, tandis que des artistes dont le nom trahit les attaches françaises – tels que Pol de Mont, Léonce du Catillon et Henri Conscience – s’exprimeront en flamand. De cet échange constant d’idées et d’influences, il résultera une littérature nationale, dont les caractères seront nettement déterminés. Elle sera sans cesse préoccupée d’exprimer les instincts primordiaux de la race et d’exhalter le terroir natal. »
Presque 100 ans plus tard, une autre Histoire de la littérature belge 1830-2000, ouvrage collectif dirigé par Jean-Pierre Bertrand, Michel Biron, Benoît Denis et Rainier Grutman et publié en 2003 chez Fayard, débute sur cette interrogation:
« Une histoire de la littérature belge est-elle possible? Cette question, qui n’aurait pas lieu d’être dans le cas des littératures française, russe ou espagnole, revêt une forme d’inquiétude et d’urgence s’agissant de la littérature belge. Jusqu’à quel point, en effet, le corpus d’oeuvres et de discours rassemblé sous cette appellation possède-t-il une cohérence et une autonomie suffisantes pour former un ensemble littéraire à part entière? »
Et plus loin:
« Pour le dire vite, depuis le romantisme, un ensemble littéraire se conçoit dans la convergence idéale établie entre trois ordres de réalités, qui sont autant d’institutions sociales: la nation, la langue et la littérature. Or, dans le cas de la Belgique, chacun des trois termes, pris isolément, suscite des questions, tout comme est problématique la relation qui les unit. »
Mais comme les auteurs le soulignent très justement:
« si l’on prend la peine de s’interroger sur les vérités réputées d’évidence qui entourent les identités culturelles les mieux assurées, on constatera que les interrogations qui viennent d’être formulées sont valables pour toutes les littératures, même les plus « grandes ». »
Nous ne trancherons pas ici ce débat, et laisserons à chacun la liberté de se forger une opinion. L’objectif d’eBookBe est de mettre à la disposition de tous le plus large éventail possible d’oeuvres littéraires belges, aussi bien en français qu’en néerlandais, le tout accompagné de biographies succinctes des auteurs, permettant une meilleure compréhension des oeuvres proposées grâce à leur mise en perspective dans le contexte des différentes époques.
Qu’il nous soit juste permis d’énoncer une opinion personnelle: quand nous lisons le (néerlandophone) Dimitri Verhulst et le (francophone) Nicolas Ancion, nous ne pouvons nous empêcher d’être frappés par certaines similitudes dans leurs oeuvres. Un certain sens de l’auto-dérision, un surréalisme débridé, un humour bien de chez nous…
Bonne lecture, et bonnes réflexions!